Interview de Mélanie Brisard, animatrice de communauté

Interview de Mélanie Brisard, animatrice de communauté chez Nos vies bas carbone

14 Nov, 24 | Interviews d'experts

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Interview de Mélanie Brisard, animatrice de communauté

Comment structurer et personnaliser l’animation d’une communauté de 2000 membres dédiées à la décarbonation ?

Présentation de Mélanie BRISARD

Je m’appelle Mélanie et je suis aujourd’hui Chargée de Mobilisation chez Nos vies bas carbone ! Après un parcours académique en lettres, je me suis dirigée vers une école de communication à Paris. Mon envie d’être utile m’a conduite à des expériences variées : ONG (Oxfam France), startup de l’économie sociale et solidaire (ESS), secteur public (Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes), et associatif (Sidaction).

C’est à Sidaction que j’ai fait mes premières expériences en animation de communauté, en coordonnant la communication d’un réseau de 70 structures. Animée par l’envie de donner une âme et une dynamique à des groupes, j’ai continué à me former en bénévolat avec Makesense.

Un bilan de compétences m’a recentrée sur l’animation de communautés plutôt que sur de la communication pure. Ce virage m’a amenée à intégrer Nos vies bas carbone. Leur mission ? Débloquer l’action climatique. Comment ? Grâce à un atelier, Inventons nos vies bas carbone, qui permet d’appréhender les ordres de grandeur de la crise écologique à l’aide d’une ficelle et de cartes suspendues, puis d’explorer les leviers d’actions à l’échelle citoyenne, entrepreneuriale et sociétale. Le tout dans un esprit participatif, positif, et basé sur de solides données scientifiques !

Au-delà de la dizaine de personnes salariées et du conseil d’administration composé de 6 membres, plus de 2000 personnes ont été formées à l’animation de cet atelier depuis 2021.

Cette communauté implique une trentaine de référent·es locaux et une trentaine de formateur·ices bénévoles. Environ deux tiers des animateur·ices actifs utilisent l’atelier dans le cadre de leur activité professionnelle indépendante, et 200 animateur·ices professionnel·les sont impliqué·es depuis 2023 auprès de l’État.

 

Comprendre sa communauté engagée

Je suis arrivée dans l’équipe salariée sur une création de poste. Mon approche a débuté par un audit impliquant une quarantaine d’interviews de membres actifs (salariés, conseil d’administration, animateur·ices clés, bénévoles, …) pour comprendre le fonctionnement actuel, leurs besoins et attentes.

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J’ai rapidement constaté que les membres de la communauté étaient profondément attachés à l’atelier, ayant vécu une expérience forte lors de leur participation, puis en animant à leur tour et en échangeant avec les groupes. Cela dit, les besoins de la communauté varient selon les personnes, et j’ai pu identifier quatre types de moteurs :

  • Être utile (reconnaissance) : Chaque membre aspire à contribuer de manière significative à une cause qui leur tient à cœur, cherchant ainsi une reconnaissance pour ses efforts et ses actions. Iels ont besoin que l’on apprécie leur travail et d’être valorisés.
  • Créer du lien : Les participant·es souhaitent établir des connexions authentiques au sein de la communauté, cherchant à comprendre leur rôle dans la société et leur impact collectif. Les rôles et missions disponibles ont besoin d’être correctement définis afin que chacun·e trouve ce qui lui correspond au mieux.
  • Bifurquer professionnellement : De nombreux membres explorent des opportunités de transition professionnelle. On constate d’ailleurs qu’une partie des profils est en reconversion professionnelle, après avoir réalisé l’urgence climatique. Nous devons donc les accompagner afin d’inclure l’atelier dans leur catalogue d’activités professionnelles.
  • Passer à l’action (éco-anxiété) : Bien que chacun·e ressente le besoin d’agir vite et concrètement face à la situation climatique, l’éco-anxiété croissante bloque le passage à l’action d’un grand nombre de personnes. Ce facteur ne doit pas être écarté, et nous devons faire au mieux pour permettre à chaque personne motivée d’agir.

Dans tous les cas, qu’importe le nombre d’informations envoyées par mail, rien ne vaut un contact humain régulier pour passer à l’action. Mon rôle est de répondre aux différents questionnements et besoins, mais également de faire coïncider leurs besoins avec la stratégie et les objectifs de ma structure.

 

Mettre en place un parcours d’engagement cohérent

En réponse aux constats précédents, j’ai créé un parcours d’engagement. En voici les principales briques :

  • Structuration du parcours de formation : Le parcours de formation existant a été revu en incluant plus d’échelons, permettant à chacun de s’y retrouver. Basées sur le système de ceinture de la Fresque du Climat (un atelier pionnier dans le secteur), les ficelles permettent de classer les animateur·ices et formateur·ices selon leur expérience et de leur fournir les ressources nécessaires pour monter en compétences. Les exigences ont également été ajustées afin d’avoir plus de formateur·ices et accélérer le développement de la communauté.
     
  • Site vitrine avec un espace dédié aux animateur·ices : Avec Camille à la communication, nous avons développé l’espace dédié aux animateur·ices en accès libre sur notre site internet. De cette façon, les personnes intéressées retrouvent facilement l’ensemble des ressources dont elles ont besoin pour se lancer et progresser en autonomie.
     
  • Parcours d’e-mailing automatique : J’ai mis en place un système d’e-mails clairs et réguliers contenant les ressources et les rituels à connaître quand un·e nouvel·le animateur·ice vient de se former.
     
  • Réduction des espaces d’échanges : J’ai redéfini les espaces d’échanges en centralisant la communication sur Telegram, avec un groupe général divisé en canaux thématiques, ainsi que des groupes par département.
     
  • Foire aux questions (FAQ) collaborative : La communauté évoluant rapidement et manquant de temps, j’ai créé une FAQ collaborative, alimentable par tous et toutes. Aujourd’hui, celle-ci est un bon exemple d’autonomie et d’entraide !
     
  • Recrutement des référent·es locaux : Nous avons multiplié leur nombre par trois. Leur rôle ? Accueillir les nouvelles personnes formées, assurer la remontée d’informations au niveau national, et représenter l’association sur leur territoire.

 

S’adapter aux besoins : l’exemple de la Formation à la transition écologique (FTE) auprès des cadres supérieurs de l’État

En 2023, Nos vies bas carbone a été sélectionnée pour animer des ateliers de sensibilisation sur les leviers accélérateurs de la transition écologique auprès de 25 000 cadres supérieurs de la fonction publique d’État.

Tout d’abord, je me suis imposé de participer à la formation des animateur·ices afin de comprendre le déroulement et pouvoir répondre à un maximum de questions. Je me suis également présentée à chaque séance de formation afin de me faire connaître des futurs animateur·ices et faciliter les échanges à venir.

Animer des ateliers pour des cadres supérieurs a présenté des défis uniques et créé de nouveaux besoins pour les animateur·ices. Iels ont dû faire face à un niveau d’exigence et une pression inédite.

Nous avons donc renforcé notre posture de « care », en prenant encore plus soin de nos formateur·ices. Seule, je n’avais pas l’espace nécessaire pour soutenir les membres de cette communauté individuellement. Alors, nous avons ouvert des espaces d’écoute dédiés, appelés « Permanence des anim’ », permettant de partager les expériences et de favoriser l’entraide entre les animateur·ices.

Prendre soin de sa communauté peut paraître un luxe, mais est un pilier central pour garantir sa pérennité. Cela passe par une écoute active, des rendez-vous réguliers pour répondre aux besoins des animateur·ices, et un suivi personnalisé et humain autant que possible. Le « care » consiste aussi à ne pas culpabiliser celles et ceux qui n’arrivent pas à s’engager à la hauteur de leurs espérances, et à poser parfois des limites avec douceur, mais fermeté.

 

Résultats obtenus et apprentissages

Je suis vraiment satisfaite du parcours que nous avons mis en place, car il reflète la forte valeur ajoutée de notre communauté, permettant à chacun de trouver sa place dans les différentes branches. Cependant, il ne faut pas oublier que l’association évolue constamment et sa communauté aussi. Il est donc normal que ce parcours continue à évoluer à l’avenir.

En arrivant au poste de Coordinatrice du réseau des anim, j’étais au cœur de l’activité. J’ai dû relever le défi de créer du lien entre les animateur·ices en apprenant à me retirer du centre pour devenir plutôt une fonction de support, démontrant un vrai signe de maturité de la communauté.

Si je devais penser aux prochaines étapes à mettre en place, je dirais que nous devrions continuer à tisser du lien humain. De nombreuses personnes se sentent encore perdues ou isolées après leur formation ou leur atelier. Une idée concrète par exemple, serait de créer une task force pour appeler les personnes formées et les accompagner une à une, notamment celles qui n’ont pas encore animé, afin de comprendre leurs besoins et les points bloquants. Il est essentiel de maintenir la dynamique en transformant les envies en actions tant qu’elles sont encore d’actualité.

Pour conclure, j’aimerais rappeler à nos lecteurs que recruter un animateur de communauté (ou coordinateur ou tout autre titre) est un bon investissement. C’est le pari fait par mon association, au début du développement de l’activité. Ce rôle, parfois perçu comme un bonus, est en réalité indispensable pour maintenir une dynamique.

Sur le plan stratégique, il est crucial d’établir un lien qualitatif avec le terrain pour en connaître les besoins. Impliquer la communauté dans les décisions stratégiques est tout aussi important : l’instinct collectif d’une communauté a au moins autant de valeur que celui d’un PDG. Cela garantit une adaptation continue dans un monde en évolution rapide. Et face aux bouleversements actuels, l’intelligence collective est essentielle.

 

Un chaleureux merci à Mélanie BRISARD, Chargée de Mobilisation chez Nos vies bas carbone, pour nous avoir accordé cet entretien. Ainsi qu’à Emmy TEILLET pour la retranscription.

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