Le livre d’Henry PEYRET « Nouvelle conscience, Nouvel homme, Nouvelle(s) société(s) – Vers un monde nouveau positif engagé » publié en 2020 est le fruit de 15 années de réflexion au sein de Forrester Research autour de l’évolution du rôle des réseaux sociaux dans l’expérience client. Il est au prémices des prochaines étapes d’évolution au sein du marketing de ce que les spécialistes appellent l’expérience client. Il annonce ce que nous appelons l’expérience de l’engagement qui s’appuie sur l’utilisation du marketing émotionnel qui s’accentue vivement avec l’avènement de l’IA.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a conduit à écrire « Nouvelle conscience, Nouvel homme, Nouvelle(s) société(s) » ?
Après une première moitié de carrière en France comme Directeur Technique d’une SSII dans le monde industriel, une deuxième moitié de carrière en tant qu’analyste chercheur sur les domaines MDM, data gouvernance en tant qu’expert international, j’ai co-fondé Wassati pour accompagner les entreprises dans le développement de l’expérience de l’engagement.
Wassati fait des recherches en IA émotionnelle sur les causes profondes des émotions et développe des solutions et du conseil pour ses clients qui cherchent à engager employés, partenaires ou clients. Ces outils avancés servent notamment à aider les animateurs de communautés d’engagement à incarner les valeurs de ce nouveau rôle.
Quels sont, selon vous, les principaux défis auxquels sont confrontées les entreprises dans un monde VUCA (Volatile, Uncertain, Complexe, Ambigu) et comment peuvent-elles les surmonter ?
1/ Remise en cause des certitudes et d’une vision du monde
L’enchaînement des crises successives sont facteur de remise en cause de nos certitudes profondes individuelles (aussi appelées modèles mentaux, vision du monde) mais aussi collectives. Cela se traduit par des mouvements, par exemple, de quitting après la crise COVID, de néo ruraux, de vegan, de révolte comme les gilets jaunes ou la crise européenne des agriculteurs, …
2/ L’incapacité à planifier à cause de la complexité des problèmes qui sont interdépendants
Les entreprises et les administrations ont de plus en plus de mal à prévoir et donc planifier des stratégies qui rassemblent à la fois le long et le moyen terme, tout en faisant face à un contexte qui change profondément. Les priorités des consommateurs qui ré-arbitrent leur pouvoir d’achat sont un de ces exemples.
3/ L’incapacité à s’adapter au rythme des changements
Bien que le GIEC nous demanderait des adaptations rapides pour le climat, et que d’autres organismes nous alertent sur d’autres dangers tels que les pollutions eau et plastique (PFAS), la dégradation accélérée de la biodiversité, … nous n’arrivons plus à adapter nos comportements individuels et collectifs au rythme nécessaire pour changer de trajectoire.
Pour cela il faut se rassembler pour « faire ensemble » en nous facilitant ces changements. C’est le rôle des réseaux sociaux d’engagements de devenir ces assistants personnels dans ces adaptations face à la complexité des décisions.
Quels sont les trois changements fondamentaux que vous identifiez dans votre ouvrage et comment les entreprises peuvent-elles s’y adapter ?
1/ Retrouver de la flexibilité, accepter la fragilité et donc la mort de certaines activités.
2/ Faire ensemble et donc plus en écosystème avec une juste répartition des bénéfices mais aussi des risques. EFC et économie circulaire sont des exemples.
3/ Aller vers le régénératif, ne pas rester sur la RSE ou CSRD (viser le neutre).
Dans votre livre, vous abordez la notion de « réseaux sociaux d’engagement ». Que sont-ils et comment les réseaux sociaux d’engagement peuvent-ils être utilisés pour renforcer les communautés professionnelles ?
La première génération de réseaux sociaux (Facebook, TikTok, Instagram, LinkedIn, …) a montré des avancées dans le rassemblement et le passage à l’action avec les révolutions arabes par exemple. Et puis aussi de nombreux travers de manipulation et de renforcement dans des croyances qui forment des bulles. Mais deux aspects sont manquants : l’aspect communautaire et l’aspect passage à l’action.
Une deuxième génération est apparue plus communautaire comme Discord, Twitch, Reddit, Mastodon, … qui regroupent une communauté autour de valeurs avec chacune leur forme de gouvernance notamment pour nommer les modérateurs/animateurs ou pour les règles d’exclusion par exemple.
Une troisième génération apparaît aujourd’hui plutôt autour des individus comme les assistants personnels qui allient communauté et action/engagement.
Du côté professionnel j’ai vu quelques succès comme CestQuiLePatron s’appuyer sur une communauté et devenir un acteur majeur du lait en France et maintenant à l’étranger.
Comment la data science et l’IA peuvent-elles contribuer à développer l’engagement et l’impact des communautés ?
L’IA, grâce à sa capacité à compiler des masses de données et à classifier rapidement celles-ci, offre la capacité de montrer des signaux dits précurseurs ou faibles notamment sur la détection des émotions croisées avec des sujets et les causes profondes de ces émotions comme les peurs ou la colère. Cela permet de corriger.
A contrario quand on détecte de la joie, de l’admiration alors il est possible, en croisant cette émotion avec quel sujet et quelle valeur (en général plutôt ce que l’on appelle des valeurs sociétales engageantes comme le droit des animaux, la santé, l’environnement), de proposer des petits pas vers l’engagement.
Comment un animateur de communauté peut-il s’approprier ses outils alors que la majorité d’entre eux ne sont pas des « geeks » ?
La particularité du cerveau humain est de :
1/ Percevoir son environnement mais il est limité à ses interactions, c’est à dire au mieux une vingtaine de personnes par jour.
2/ Généraliser cela via sa vision du monde. Donc quand la communauté dépasse quelques dizaines d’individus il est difficile pour un animateur d’avoir la perception de sa communauté car elle sera basée principalement soit sur les plus « gueulards » soit sur du nombre sans percevoir ni la majorité silencieuse ni les signaux précurseurs. Mais effectivement il faut mettre à disposition ces informations à disposition de manière simple compréhensible et interprétable.
Vous parlez de l’importance d’être « sincère, crédible et transparent » dans l’engagement des marques. Pouvez-vous donner des exemples concrets de la mise en pratique de ces principes ?
Sincère : Faire ce qu’on dit. Est ce que Total est sincère sur la décarbonation quand ils clament contre balancer leur émissions de CO2 en plantant des arbres en Afrique ?
Crédible : Les émissions de CO2 de Total sont remises en cause par GreenPeace ne serait-ce qu’en consultant le rapport RSE.
Transparent : Est ce que Total offre la possibilité à chacun de vérifier ?
Comment voyez-vous l’avenir des communautés professionnelles dans les 10 prochaines années, notamment avec l’évolution des technologies et des valeurs sociétales ?
Les communautés professionnelles, invitant des consommateurs, des citoyens à s’engager à leur côté se développent. Elles sont encore embryonnaires en termes d’impact pourtant elles deviendront indispensables pour toute entreprise qui veut devenir plus résiliente face au monde VUCA.
Pour les marques, ces communautés agiront pour codévelopper des produits et services du futur, comme moyen marketing, pour mesurer les signaux faibles et précurseurs de changements profonds, pour démultiplier les impacts socio-écologiques.
Dans votre vision d’un « monde nouveau positif engagé », quel rôle les entreprises et les communautés professionnelles ont-elles à jouer ?
Les consommateurs ne croient plus en leurs gouvernants pour sauver le monde. Ils réclament de plus en plus aux acteurs du monde économique de s’impliquer, mais aussi pour certains d’être associés dans la démarche.
Le mouvement des entreprises à mission, d’une raison d’être au-delà d’une posture mais qui donne du sens aussi bien aux employés, qu’aux clients, qu’aux partenaires démontre que les entreprises ont un rôle moteur pour faciliter et engager les transformations nécessaires.
Au milieu de la période de chaos qui s’annonce avec des extrémistes qui clament forts et qui se sentent forts, la majorité silencieuse ne peut plus rester silencieuse et affronter la violence.
Les communautés d’engagements rassemblent autour d’actions et de projets mobilisateurs en faisant fi de nos oppositions, de nos systèmes de valeurs qui sont de plus en plus divers. Nous n’avons plus besoin d’être d’accord sur tout pour faire ensemble suivant ce que chacun priorise.
Cet entretien a été réalisé grâce à la contribution volontaire et gratuite Henry PEYRET. Nous le remercions chaleureusement pour le partage de son expérience ainsi que son temps pour la rédaction de cette interview.
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