Co-fondatrice de Komuno et consultante depuis 5 ans, Noémie Kempf est considérée comme une experte des communautés avec une spécialité pour les sujets Brand Content et stratégie de marque. Aujourd’hui, elle devient auteure avec la sortie de son premier livre “Le pouvoir des communautés”. Dans celui-ci, elle aborde le rôle des communautés professionnelles, les fondamentaux ainsi que les enjeux qui les animent. Ce livre est finalement une mine d’or pour les futurs community builders et professionnels qui souhaitent se lancer dans l’animation communautaire (même si cela apporte des bénéfices à tout le monde !). Dans cette nouvelle interview, on a la chance d’interviewer Noémie pour revenir sur les points clés de son livre et parler plus en profondeur des sujets qui y sont abordés.
Ton histoire, ton livre et ce en quoi tu crois
C’est ton premier livre ? Qu’est-ce qui a initié ce projet chez toi ?
Oui ! Ce projet a été initié par les éditions Eyrolles, qui m’ont contactée il y a un peu plus d’un an et demi. Ils m’ont proposé de collaborer sur la rédaction d’un livre dont le sujet n’était pas forcément défini à 100 % mais qui tournait autour du futur du marketing. Naturellement, cela faisait sens pour moi de parler de communautés en lien avec ce sujet.
C’est Arthur Auboeuf, cofondateur de Team for the Planet, qui a préfacé ton livre, peux-tu le présenter rapidement ?
J’ai interviewé Arthur dans mon podcast The Storyline en septembre 2022. À cette occasion, j’ai été assez impressionnée par sa maîtrise des sujets et des codes communautaires chez Team for the Planet. J’avais senti qu’il y avait un alignement de nos visions sur le futur du marketing et le rôle des communautés dans ce domaine. Finalement, ça a été assez naturel de lui proposer de préfacer le livre !
Quels sont tes prochains objectifs ? Un deuxième livre en tête ?
Non non, le premier était assez fatiguant (rires) ! L’idée pour l’instant n’est pas forcément de mettre les bouchées doubles sur un deuxième écrit mais plutôt de diffuser les messages de ce livre. En effet, il y a plusieurs messages optimistes qui portent sur l’impact des communautés, sur le futur des entreprises, leur raison d’être et leur finalité sur les nouveaux archétypes de marque et sur tous ces sujets.
Pour l’instant, j’ai envie de les porter à travers des conférences, des formations, à travers le travail de d’évangélisation de Komuno sur le marché et sur le métier du community building. Je souhaite diffuser ces messages aussi loin et aussi fort que possible à travers tous les formats qui me sont amenés de pouvoir porter.
Les communautés, une “réponse” à plusieurs problématiques professionnelles
Les quatre signaux de l’avènement communautaire.
Pour choisir ces quatre signaux, je me suis appuyée sur mon travail de veille, mon observation de l’univers du marketing et des stratégies des entreprises depuis cinq ans. C’est donc un ressenti personnel, une observation auprès de mes clients et des entreprises que je suis de près. J’ai essayé de prioriser les signaux qui, pour moi, étaient les plus significatifs et les plus parlants.
#1 Le besoin de vrai
Le premier a trait à mon cœur de métier et mon activité, c’est l’essoufflement des stratégies de marketing traditionnelles.
Quand je parle de marketing réaliste et de crise de la confiance dans le livre, c’est en fait que ces éléments s’inscrivent dans un monde qui change à toute vitesse.
En somme, il y a une sorte de crise générale de confiance et les marques doivent en re-créer pour pouvoir adresser leurs audiences de manière plus apaisée. Cela passe par beaucoup de leviers (dont je parle dans le livre) mais notamment le besoin d’avoir un discours, des stratégies marketing qui sont plus en phase avec la réalité des consommateurs. Et la communauté, c’est un très bon vecteur de réalisme. On ne peut pas faire plus vrai que ses consommateurs et donc valoriser ses propres consommateurs ou ses partenaires, c’est une stratégie gagnante dans le cadre d’un besoin accru de vrai.
#2 La résilience
Deuxièmement, je parle de résilience et de responsabilité des entreprises. Derrière ces propos résulte une réalité qui nous amène tous à évoluer dans un monde de plus en plus touché par des crises protéiformes (sociales, culturelles, économiques, climatiques etc.).
Ces crises sont systémiques, c’est-à-dire que le système touche ses limites aujourd’hui et se fissure de toutes parts. En conséquence, les entreprises qui vont vite, fort, qui lèvent des fonds en grande pompe mais qui ne mise pas sur la gestion de leurs parties prenantes ou l’intégration d’un écosystème de valeur, c’est des entreprises qui sont très fragilisées. Elles se fragilisent dès que quelque chose va mal, dès que le marché ou le secteur d’activité concerné essuie une crise spécifique. L’exemple de la restauration est un cas concret, la banque aussi.
Face à cela, le fait de s’entourer d’une communauté (clients, partenaires, collaborateurs ou peu importe), c’est aussi une manière de se créer un filet de sécurité et de solidarité qui marche particulièrement bien dans une logique locale. La responsabilité territoriale des entreprises (la RTE) illustre bien à quel point les boîtes qui prennent le temps de distribuer de la valeur localement, dans leur écosystème, sont celles qui ont le plus de chances de perdurer.
#3 L’identité
Troisièmement, j’ai été influencée par un livre qui s’appelle “L’Archipel français” de Jérôme Fourquet. Ce livre évoque la perte d’identité à l’échelle nationale qui donne lieu à une fracturation des identités, dans une France qui est désormais plurielle.
Aujourd’hui, les gens ne se reconnaissent plus dans la notion de religion, de cellule familiale ou même dans la notion de CSP (classe socio-professionnelle).
Ce constat est assez conséquent au niveau des entreprises puisqu’on se définit désormais par notre appartenance à plein de communautés d’intérêts plutôt que par notre appartenance à une nation, à un foyer familial ou à une ligne de croyance. Les marques ont donc tout intérêt à se positionner sur ces communautés pour offrir à leur consommateurs des “tribus” qui leur permettent de se construire.
#4 La collaboration
Le quatrième et dernier signal dont je parle dans mon livre est l’accélération des modèles collaboratifs.
Que cela soit dans les modes de vie, de travail ou de production collectifs, on voit la mutualisation des ressources comme une réponse à la volatilité. De plus, on voit grandir aussi le besoin de sobriété ou en tout cas de ralentissement, compte tenu des budgets moins élevés dans des contextes de crises.
Les modèles intéressants pour illustrer cela sont le coliving, le coworking notamment. Ils illustrent à quel point on a ce besoin, au-delà de la mutualisation des ressources, de bosser et de vivre ensemble. En réalité, on est tous un peu seuls. Beaucoup de professionnels se retrouvent seuls dans leurs activités, notamment les indépendants. Aujourd’hui, la communauté est une réponse à part entière à des nouveaux besoins ou des besoins “historiques” qu’on avait mis de côté dans une phase de surconsommation et d’individualité accrue. Ceux-ci étaient vendus comme la panacée et aujourd’hui on voit les limites du système individualiste.
Les communautés et les “médias” sociaux, une relation incompatible ?
La relation antinomique avec les réseaux sociaux quand il s’agit de monétiser sa communauté
Communautés, audiences et réseaux sociaux : définitions
Pour commencer, il est important de comprendre la différence entre une audience et une communauté. Une audience est un ensemble de personnes susceptible de porter de l’intérêt à un sujet commun. Une communauté quant à elle, regroupe plusieurs personnes qui ont des objectifs communs et surtout un sentiment d’appartenance fort. En général, les réseaux sociaux sont plus adaptés à la gestion d’une audience car ils ne permettent pas forcément des interactions multidirectionnelles entre leurs utilisateurs. Dans le cas d’une communauté, elle doit se formaliser au sein d’espaces dans lesquels les membres peuvent interagir les uns avec les autres et créer de la valeur.
Des entreprises qui doivent être plus résilientes face aux nouveaux enjeux.
Le message que j’essaie aussi de transmettre à travers ce livre, ce que nous vivons une période dans laquelle on est obligé de mettre en place de nouvelles manières de faire, de consommer, de nouveaux standards et de nouveaux objectifs : que ce soit sur nos usages individuels, les usages de nos entreprises et ceux de nos collectivités.
“On ne peut plus faire comme avant”, c’est un discours qui nous est répété depuis quelques années. Il faut ralentir, trouver des alternatives à la société de consommation actuelle. Je crois que les entreprises qui continuent à faire “comme avant” vont rapidement se retrouver confrontées à un mur. Il y a une insécurité croissante sur l’emploi et sur les marchés. C’est finalement là que la mutualisation des ressources par exemple, le sujet qu’évoque Cyril Voidey (chapitre 9 de mon livre), va être de plus en plus importante pour assurer une pérennité de l’emploi et une pérennité de l’entreprise face à ces situations complexes. La communauté a un rôle fort à jouer !