Après une double formation (doctorat vétérinaire et Sciences-Po), Véronique Gricourt a multiplié les expériences professionnelles dans différents secteurs d’activités (conseil dans le secteur privé, direction d’association, développement économique en collectivité territoriale, création et développement de plusieurs entreprises, accompagnement de dirigeants industriels, administratrice). Le fil rouge de ses différentes expériences : intégration de l’entreprise, de l’association, du dirigeant dans son écosystème et mise en réseau avec les différents acteurs de l’écosystème territorial.
C’est pourquoi, ce nouveau challenge de direction d’un campus des métiers des qualifications lui permet de mettre une nouvelle corde à son arc : la mise en relation du monde académique de la formation avec le monde de l’entreprise, des collectivités locales et des services de l’État. Dans cet article, Véronique nous parle du rôle des communautés pros au sein des CMQ et de leur importance.
Quelles sont les missions et enjeux des Campus des Métiers et Qualification et plus particulièrement celui que vous dirigez ?
Le label Campus des Métiers et des Qualifications (CMQ) permet d’identifier un réseau d’acteurs sur un territoire donné. Ces acteurs interviennent en partenariat pour développer une large gamme de formations professionnelles, technologiques et générales. Elles relèvent de l’enseignement secondaire et supérieur, ainsi que de la formation initiale ou continue. Ces formations sont aussi centrées sur des filières spécifiques et sur un secteur d’activité correspondant à un enjeu économique national ou régional. À ce jour, plus de 100 campus ont été mis en place entre 2014 et 2020 dont 12 en Bourgogne Franche-Comté.
En obtenant le label complémentaire « Excellence », le CMQE «Industrie Technologique Innovante et Performante» fait partie des 23 premiers campus labellisés excellence sur le territoire national.
L’enjeu majeur d’un CMQ est d’adapter et d’accélérer l’offre de formation professionnelle pour répondre aux besoins des entreprises de sa cible.
Apporter par la formation, une réponse à un besoin en emploi et en compétences dans une filière est la raison d’être d’un CMQ.
Se réunissent pour cela, à l’échelle d’une région :
- des établissements scolaires (lycées généraux, technologiques et professionnels) ;
- des établissements d’enseignement supérieur (universités, écoles, etc.) ;
- des centres de formation d’apprentis (CFA) ;
- des organismes de formation initiale ou continue (Greta, etc.) ;
- des laboratoires de recherche ;
- des entreprises ;
- des associations.
Finalement, un projet de campus repose toujours sur un triptyque :
- Soutenir le développement d’une filière porteuse d’avenir ;
- Maintenir des compétences dans un territoire ;
- Améliorer l’excellence de la formation.
Un CMQ est construit autour d’un secteur d’activité d’excellence correspondant à un enjeu économique national ou régional soutenu par les collectivités et les entreprises.
Le Campus des Métiers et des Qualifications d’Excellence Industrie Technologique Innovante et Performante (CMQE ITIP), est un label rattaché à l’Université de Bourgogne, dont le secteur d’activité d’excellence est l’industrie.
Il porte les missions suivantes :
- Améliorer l’attractivité des filières industrielles sur le territoire Bourgogne Franche-Comté auprès de publics diversifiés (scolaires, étudiants, salariés, actifs disponibles etc.),
- Contribuer, au travers de l’adaptation de l’offre de formation, à la décarbonation de l’industrie,
- Adapter l’offre de formation aux besoins de l’industrie (notamment avec de l’ingénierie pédagogique).
Le CMQE ITIP porte le Village Ressource Apprenant International (VRAI), un tiers-lieu d’innovation pédagogique où sont développés de nombreux projets.
Dans quelle mesure la mise en place d’une stratégie d’animation communautaire pour les CMQ peut-elle répondre à ces enjeux ?
L’essence même du CMQ est un fonctionnement en réseau avec des organisations de structure, de fonctionnement, de culture différents.
Pour accélérer la réponse aux besoins en emplois et compétences des industriels et leur permettre de faire face aux enjeux de transition (technique, environnementale, numérique, sociétale), il faut être constamment à l’écoute de leurs besoins et transformations. Il faut aussi les associer dans la création de nouveaux parcours pédagogiques et d’outils innovants, puis rester à leur côté pour maintenir une logique d’amélioration continue de ces outils. Il est aussi nécessaire d’écouter et d’associer à ces démarches les différentes catégories d’apprenants (jeunes, publics éloignés de l’emploi, etc.).
Finalement, c’est l’animation communautaire qui va permettre le croisement des profils, des expériences, des besoins, des idées et des retours d’expérience.
La devise du CMQE ITIP est ainsi : « tous ressources, tous apprenants ». Son projet initial, à l’origine de son développement, est le Village Ressource Apprenant International (VRAI), un tiers-lieu d’innovation pédagogique.
Comment pilotez-vous aujourd’hui cette stratégie et quels sont les résultats que vous mesurez ?
En savoir plus sur le CMQE ITIP
Le campus anime, ou co-anime, plusieurs communautés autour de projets ou thématiques particuliers, avec le support de Wudo pour certaines d’entre elles.
Le tiers-lieu VRAI, basé au Creusot, accueille des parcours pédagogiques étudiants, des semaines apprenantes pour lycéens ou collégiens pendant les vacances scolaires et des projets d’innovation entrepreneuriale. Il a pour mission d’essaimer pour créer d’autres tiers-lieux dans la région BFC. Il appartient à la communauté des tiers-lieux BFC et au réseau France Tiers-Lieux.
De plus, le campus appartient à la grande communauté des CMQ, pilotée par la DGESCO, et a, sous cette bannière, participé à l’événement « Fabriquons France 2030 », fête des campus en juin 2023.
Le CMQ à travers bien d’autres projets
Aussi, le club nucléaire emploi et compétences Bourgogne Franche-Comté est animé par le CMQE ITIP ; il regroupe tous les acteurs de la filière nucléaire de la région (industriels, organismes d’enseignement et de formation, collectivités locales, établissements de recherche). Il représente L’Université des Métiers du Nucléaire, communauté nationale visant à améliorer l’attractivité de la filière nucléaire et à répondre à ses besoins de compétences.
Avec l’UIMM 71 et le cluster Robotics Valley, il anime également un club industrie 4.0 qui réunit régulièrement autour d’un thème et des visites du site industriel, les entreprises industrielles engagées dans la transition 4.0.
Enfin, le campus vient d’intégrer le Réseau Régional de l’Innovation (RRI) regroupant les acteurs d’accompagnement à l’innovation des entreprises de la région. Par ailleurs, il participe également à la communauté Territoires d’Industrie Ouest Saône-et-Loire, suite à la mise en place du programme Territoires d’Industrie en 2018.
Le label d’excellence lui permet d’impliquer des communautés d’acteurs internationaux et du monde de la recherche. Certains des projets impulsés avec les apprenants et les industriels nourrissent ces communautés, c’est le cas par exemple de :
- L’université européenne Forthem qui permet d’essaimer les outils pédagogiques du projet VRAI auprès d’enseignants ou étudiants européens,
- Le projet Dig-2-Inc porté par l’université de Turku (Finlande) qui étudie le lien entre l’inclusion et le numérique pour encourager la poursuite d’études des étudiants défavorisés.
Comment le CMQ mesure l’impact de ces projets communautaires ?
Pour mesurer l’impact de cette animation communautaire, le campus travaille sur :
- la délivrance d’Open-Badges permettant aux acteurs impliqués dans les projets de son réseau de valoriser une montée en compétences ou un partage d’expertise,
- une mesure de l’engagement des apprenants qui évoluent dans ces communautés et de leur insertion professionnelle tout au long de la vie dans le cadre d’un contrat de recherche post-doctoral.
Animer un écosystème pour faire communauté n’est pas toujours simple, quelles sont les 3 principales difficultés que vous rencontrez aujourd’hui ?
En effet, c’est assez compliqué d’animer une communauté, quels qu’en soient les acteurs.
La première difficulté est la disponibilité d’une ressource humaine dédiée, avec les compétences ad hoc, en mesure de comprendre les acteurs et leur fonctionnement. Cette personne doit aussi impulser et entretenir une dynamique génératrice de valeur ajoutée pour les membres de la communauté.
Il faut ensuite trouver le support d’échanges et d’interactions entre les acteurs, pour communiquer, générer des projets, interagir sur ces projets, créer des événements, apporter régulièrement de la formation. C’est ce à quoi correspond très bien Wudo, avec la difficulté supplémentaire de ne pas surcharger les participants de différentes couches d’outils d’interactions.
La troisième difficulté majeure est la disponibilité des différents acteurs de la communauté. Pris par le quotidien et souvent engagés dans plusieurs réseaux, la communauté et son animation doivent apporter une réelle valeur ajoutée aux membres. Cette communauté va faciliter ou alimenter leur quotidien.
Enfin, selon vous quel est l’avenir communautaire des CMQ pour les 3 prochaines années ?
Prochainement, le campus va co-piloter un Pôle Bas Carbone régional inter-CMQ, avec 3 autres campus de la région. Ce projet a pour objectif de répondre aux besoins en compétences et formations des entreprises pour accélérer leur décarbonation.
Suite à un atelier dans le département 71, et dans le cadre de ce Pôle Bas Carbone, le CMQE ITIP va initier un club des industriels locaux engagés dans la transition bas carbone expérience pilote qui aura vocation à s’étaler dans le reste de la région.
D’autres communautés/clubs vont émerger, sur le modèle de ceux décrits ci-dessus. Ces communautés seront basées sur les besoins des industriels, des apprenants, d’autres acteurs de l’écosystème, sur de nouvelles thématiques, et/ou sur de nouveaux territoires dans la région.
De plus, l’outil « CMQ » a pour vocation d’accompagner l’apprenant tout au long de la vie. Cette animation communautaire est un outil pour assurer un suivi et un accompagnement des alumnis. Elle permet également d’apporter de l’agilité dans l’offre de formation encore très cloisonnée, et de personnaliser les parcours pour donner du sens aux choix d’orientation des jeunes.
Finalement, quel rôle jouent les communautés pour le CMQ ?
En conclusion, le principe de communauté est au cœur du fonctionnement du CMQ et de l’atteinte de ses objectifs. L’animation d’une ou plusieurs communautés constituées autour de thématiques, de projets, de typologies, de bénéficiaires est une clé de sa réussite.
Le CMQE ITIP est d’ailleurs à l’origine de plusieurs communautés citées ci-dessus, et il est souvent sollicité pour ses retours d’expérience dans la mise en place et l’animation de communauté.
Toute l’équipe est jeune, très présente et à l’écoute des acteurs de terrain. Nous sommes en phase avec le fonctionnement de plus en plus communautaire des adolescents et jeunes adultes qui s’engagent dans de nombreuses communautés réelles ou virtuelles. Il s’agit donc d’une tendance de fond que le CMQE ITIP peut illustrer par ses diverses expériences.
Wudo est centré sur l’humain et sur les échanges, ce qui correspond parfaitement à l’ambition du CMQE ITIP : provoquer des interactions entre les mondes académiques et économiques sur des territoires industriels en s’appuyant sur les centres d’intérêts des apprenants tout au long de la vie.
Enfin, l’animation de communautés autour de projets industriels permet au CMQ de poursuivre ses expérimentations autour de la pédagogie projet. Aussi, il décloisonne l’offre de formation pour permettre aux futurs actifs de personnaliser leurs parcours en collaborant avec le tissu industriel et de cheminer vers l’innovation dans une dynamique d’intelligence collective.
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