L’innovation est devenue un pilier essentiel dans notre paysage économique, propulsant les entreprises et les organisations vers de nouveaux horizons. L’innovation collaborative repose d’abord sur la confiance collective. Cependant, au cœur de cette dynamique complexe, un élément se démarque comme le fondement de toute entreprise innovante : la confiance.
Cette confiance est la clé qui ouvre la porte à la résilience, permettant aux parties prenantes de s’entraider, de collaborer et de changer de comportements pour faire face aux défis liés au climat, à l’économie ou encore plus globalement à la société. Dans cet article, nous explorerons l’importance cruciale de la confiance dans le contexte de l’innovation organisationnelle et des transitions environnementales, par le biais du témoignage de Cécile Michaux, fondatrice de la société Résonance.
“Après une première partie de carrière comme collaboratrice politique, je me suis reconvertie vers le management de projets collaboratifs. J’ai pu explorer différents sujets: l’organisation du travail, le développement RH, le management, ainsi que les enjeux de supply chain, de transport multimodal et de logistique urbaine. J’ai développé une vision globale qui me permet d’explorer la complexité des chaînes de valeurs étendues, et de développer la collaboration public-privé sur les territoires. À ce regard stratégique s’ajoute une immense curiosité, une approche pragmatique, et une bonne dose de franc-parler.”
Vous avez fondé Résonance en 2020, quelles ont été vos motivations à l’origine de ce projet ?
Premièrement, j’ai lancé Résonance en juin 2020, à la sortie du premier confinement dû au COVID. Après avoir été enfermée et empêchée pendant cette période si étrange, j’ai ressenti comme une urgence à donner vie à ce projet qui me tenait à cœur depuis un moment.
A l’origine, Résonance accompagne des profils atypiques dans leur parcours professionnel : comment prendre conscience de mes compétences, surtout quand elles ne rentrent pas dans les cases ? Comment construire un projet professionnel qui fait sens et qui répond à mes valeurs profondes ? J’ai commencé cette activité en parallèle de mon activité salariée de directrice de cluster d’entreprises de la filière logistique.
Par la suite, en 2022, j’ai quitté mon poste salarié pour m’investir à temps plein dans Résonance. J’ai souhaité élargir mon périmètre d’intervention: continuer d’accompagner les trajectoires individuelles, mais intégrer également les trajectoires collectives, c’est-à-dire l’ingénierie et le management de projets collaboratifs et complexes, qui est mon métier depuis dix ans. Ceci au service des valeurs qui m’animent: l’émancipation des individus et la réduction de l’impact des activités humaines.
Aujourd’hui, j’interviens principalement sur des projets de logistique urbaine, de multimodalité, de décarbonation du transport, ainsi que sur des projets data au service de la transition environnementale. En complément, j’interviens à l’Université de Strasbourg en management de l’intelligence collective et à l’IUT Lumière de Lyon en environnement et supply chain.
Pourquoi l’open-innovation nécessite un regard systémique et une approche collaborative ?
Quelle est la définition d’un regard systémique ?
Avoir une approche systémique me paraît indispensable pour appréhender la complexité.
Dans un premier temps, porter un regard systémique sur les situations, c’est avoir conscience qu’il n’y a pas d’ explication unique à un problème, mais que les causes sont nombreuses, multifactorielles et interdépendantes. C’est comprendre qu’il est nécessaire de dézoomer, au-delà de sa propre interprétation des situations, pour avoir un regard plus large.
Par exemple, s’il y a des tensions entre des collaborateurs dans une équipe, on peut n’y voir qu’une question de tempéraments individuels. Ou alors on dézoome, et on peut intégrer d’autres éléments, comme des épisodes passés qui n’ont pas été digérés, un manager qui laisse perdurer des ambiguïtés, des visions différentes de la bonne manière de mener la mission, des cultures professionnelles antagonistes… On sort d’un débat binaire sur qui a raison et qui a tort, pour aller vers une lecture nuancée et multidimensionnelle des causes racines.
Cette approche fonctionne pour tout type de sujet, d’un conflit individuel à des enjeux bien plus larges comme les difficultés de recrutement ou le changement climatique.
Finalement, pour porter un regard systémique, il est utile de porter différentes lunettes, de mobiliser différentes grilles de lecture, qu’elles soient techniques, scientifiques, économiques, mais aussi sociologiques, organisationnelles ou politiques.
Aussi, il est important de se mettre à la place de chacun.e pour comprendre les motivations de l’action, ou de l’inaction. Je pars du principe que les acteurs sont globalement de bonne foi et veulent bien faire, selon les contraintes qui s’appliquent à eux. C’est dans les contradictions entre les systèmes de contraintes que se nichent les nœuds à démêler.
En quoi la collaboration et cette vision systémique favorise l’innovation ?
La collaboration, par exemple en mobilisant la méthodologie et les outils de l’intelligence collective, c’est un mode de travail qui va permettre de résoudre des problèmes pour lesquels il n’y a pas de réponse “clé en main”.
En combinant les regards de plusieurs personnes sur une même situation, on se donne la chance de débusquer les angles morts, de dépasser les biais et les représentations classiques, et donc de faire différemment, de manière nouvelle et innovante, au sens premier du terme.
En somme, la combinaison d’une vision systémique et d’une approche collaborative, se trouve par exemple dans les outils comme la Fresque du climat. Il s’agit ici de connecter et positionner des enjeux multiples et interdépendants, par l’échange et la discussion entre les participant.e.s. Les prises de conscience seront bien plus profondes que si on se contente de regarder une vidéo ou de lire un livre sur le même sujet.
Qu’est-ce que l’innovation collaborative pour vous et quels sont ses principaux avantages ?
On parle d’innovation collaborative ou d’open innovation dès lors que les parties prenantes de la démarche appartiennent à différentes organisations, c’est-à-dire dès lors qu’on réussit à dépasser les frontières de l’entreprise.
Et pour faire collaborer des personnes issues d’entreprises concurrentes, ou issues d’entreprises clientes et fournisseurs les unes des autres, ça nécessite d’instaurer un périmètre très clair, et des règles du jeu acceptées par tous.tes.
Sans cela, aucune confiance ne peut s’instaurer, et sans confiance, il n’y aura pas de véritable collaboration. On perdra beaucoup de temps en brainstorms et en workshops, mais il ne se passera rien de véritablement innovant.
Avez-vous des exemples concrets à nous partager d’entreprises qui appliquent l’innovation collaborative et qui performant grâce à elle ?
En effet, j’ai contribué à plusieurs démarches collaboratives dans le secteur logistique et supply chain. A chaque fois on observe que les nœuds se situent aux interfaces entre les organisations, entre les fournisseurs et leurs clients. La résolution de ces difficultés opérationnelles passe par mettre tout le monde autour de la table, par installer la confiance et par la construction de solutions qui engagent tous les maillons de la chaîne.
Cependant, dans un monde très marqué par la compétition et la concurrence, tout le monde n’est pas prêt à adopter ce paradigme.
En conclusion, pensez-vous que les solutions d’innovation collaborative actuellement sur le marché répondent réellement aux enjeux du monde professionnel ?
Il existe de nombreux outils tout à fait intéressants, mais un outil, une plateforme numérique, ou une méthode, ne sera jamais à lui seul la garantie de la mise en œuvre de démarches collaboratives. De plus, ce n’est pas l’outil qui installera les conditions de la confiance et la culture de la collaboration. Je me méfie du “techno-solutionnisme” encore trop présent dans notre société: on s’imagine trop souvent que la réponse à nos difficultés sont des solutions techniques et technologiques. Alors que souvent, on peut innover en fonctionnant différemment, sans rien fabriquer de nouveau.
Enfin, la technologie peut être un appui formidable dans les organisations, mais uniquement si elle est au service de l’idée humaine, et non l’inverse.