Les liens étroits entre les communautés et l’économie sociale et solidaire - Wudo

Les liens étroits entre les communautés et l’économie sociale et solidaire

11 Avr, 23 | Interviews d'experts

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Timothée Duverger_Les liens étroits entre les communautés et les entreprises sociales et solidaires (ESS)

Dans ce nouvel article, nous avons la chance d’interviewer Timothée Duverger pour évoquer les liens étroits entre les communautés et l’économie sociale, solidaire (ESS).

 Je suis docteur en histoire, chercheur associé au Centre Emile Durkheim et ingénieur de recherche à Sciences Po Bordeaux. Je dirige la Chaire “Territoires de l’ESS” ainsi que deux Masters sur l’économie sociale et solidaire (ESS). Ces Masters visent à former des ingénieurs de projet territorial, l’un en formation initiale, l’autre en formation continue. Mes travaux portent sur les dynamiques d’institutionnalisation de l’ESS dans une perspective internationale comparée, ainsi que sur les rapports entre expérimentations sociales, territoires et changement institutionnel. C’est ce qui m’amène à présider l’Observatoire des Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée (TZCLD) ou à codiriger l’Observatoire de l’Expérimentation et de l’Innovation Locale (OEIL) de la Fondation Jean-Jaurès, par exemple.

L’Économie Sociale et Solidaire (ESS) : définition et explications

En premier lieu, l’économie sociale et solidaire représente 10.5% des emplois et 13 millions de bénévoles en France. Elle est encadrée par la loi Hamon de 2014 qui la définit comme un “mode d’entreprendre et de développement” qui repose sur trois principes : 

  • Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices,
  • Une gouvernance démocratique,
  • Le réinvestissement de la majorité des bénéfices dans le maintien ou le développement de l’activité et la constitution de réserves impartageables.

Cela correspond à plusieurs statuts juridiques qui inscrivent les principes ci-dessus dans leurs statuts tout en se fixant une mission d’utilité sociale. Cette mission peut être axée sur le soutien aux personnes fragiles, l’éducation à la citoyenneté, le développement durable, la transition énergétique ou encore la solidarité internationale. Ces statuts juridiques peuvent donc être parmi les suivants : 

  • coopératives,
  • mutuelles,
  • associations,
  • fondations,
  • sociétés commerciales intégrant les règles de l’ESS dans leurs statuts

En second lieu, ces mouvements sont représentés aujourd’hui dans une organisation faîtière : ESS France. Elle a une projection territoriale à travers les Chambres Régionales de l’Économie Sociale et Solidaire (CRESS), qui viennent de remettre au Gouvernement un rapport visant à les faire reconnaître à un niveau similaire de celui des chambres consulaires. 

De plus, il existe une vingtaine de lois-cadres dans le monde. Ces lois sont plus particulièrement en Europe, en Amérique latine et en Afrique. Si l’ESS peut prendre des formes très diverses selon les contextes institutionnels, elle va faire l’objet d’une définition universelle, déjà adoptée par la Conférence internationale du travail en juin 2022, dans une résolution de l’ONU en avril prochain.

L’ESS au coeur des mutations contemporaines

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“Face aux chocs qui affectent nos économies, comme la pandémie, la guerre, la crise énergétique ou l’inflation, la résilience se construit d’abord sur les territoires. Or, l’ESS se caractérise d’abord par son ancrage territorial. Elle révèle et valorise les ressources des territoires pour répondre aux besoins et aux aspirations de leurs habitants. 

Bien-sûr, L’ESS n’est pas imperméable aux crises, le local étant imbriqué dans le global. Cependant, elle s’avère contra-cyclique sur la longue durée. Elle a par exemple mieux résisté à la crise des subprimes de 2008. Et aujourd’hui, c’est la crise du Covid-19 qui amène les institutions internationales à reconnaître son rôle et à accélérer sa mise à l’agenda des politiques publiques.

L’imprévisibilité, inhérente au contexte VUCA, a pour corollaire une bifurcation dont l’avènement de l’ESS est l’un des scénarios. Entre l’Etat et le marché, elle est porteuse d’un mode de coordination fondé sur la solidarité et la coopération plus adapté à la transformation écologique de nos économies.”

L’ESS est-elle une entreprise “communautaire” ?

“Malheureusement en France, la notion de communauté a mauvaise presse. D’abord parce qu’elle donne l’impression de fragmenter l’intérêt général et aussi d’exclure autant qu’elle inclut. Notre universalisme républicain peut parfois conduire à des abstractions qui oublient la vie réelle sous les droits. C’est ce qui explique la répression par l’Etat dont a été victime l’ESS au cours du XIXe siècle, comme la faible décentralisation de notre pays, ce que vient encore de rappeler le rapport annuel de la Cour des Comptes. 

Il ne suffit pas de proclamer “Liberté, Egalité, Fraternité”, ce qui est déjà fondamental, il faut aussi l’incarner. Cela implique de faire entrer la société (ou la communauté) dans l’entreprise. Quels sont les droits attachés aux travailleurs ? Autrement dit, la démocratie pénètre-t-elle l’entreprise ? L’entreprise permet-elle une juste répartition de la valeur créée ? Quel est son rôle vis-à-vis de l’intérêt général ? Doit-elle se limiter à une recherche de bénéfices ? 

Enfin, l’économie sociale et solidaire met ces questions au cœur de son projet. Elle les inscrit même dans les statuts de ses organisations, ce qui lui permet de démocratiser l’entreprise, de réduire les inégalités et de répondre à des besoins sociaux. Par ailleurs, elle développe des processus de coopération dans lesquels elle implique les parties prenantes d’un territoire dans la résolution de problèmes communs. La coopération n’est pas seulement une technique, c’est un projet de société. Elle fournit des cadres d’action porteurs d’un changement institutionnel.”

Impulser des dynamiques de coopération communautaire grâce à l’ESS

Dans l’interview accordée à Maryline FILIPPI à propos de son livre “La Responsabilité Territoriale des Entreprises”, celle-ci écrivait que l’”Économie Sociale et Solidaire (ESS) apparaît comme un levier d’action pour impulser des dynamiques de coopération au sein des communautés. L’ESS est porteuse d’un autre modèle d’entreprendre à travers des principes clés, à savoir en particulier : 

  • la primauté de l’humain sur les capitaux financiers, 
  • i.e. la non rémunération des actions en capital, 
  • la gouvernance démocratique (principe d’une personne est égale à une voix)
  • la lucrativité limitée des bénéfices. “

Quel est votre point de vue sur le sujet ?

“Premièrement, nous avons mené avec Maryline Filippi ces travaux sur la responsabilité territoriale des entreprises (RTE) dans le cadre de la Chaire TerrESS à partir d’une intuition : “pour l’entreprise, le territoire compte”. Les comportements prédateurs auxquels sont associés les risques de délocalisation ne sont aujourd’hui plus acceptés. Un sondage d’Harris interactive pour ESS France a révélé que pour 96% des Français, les entreprises se doivent d’avoir une responsabilité territoriale

On voit ainsi par exemple apparaître de nouveaux métiers dans les grands groupes pour renforcer leur ancrage en développant des fonctions d’interface sur les territoires. Dans le même temps, face à des problèmes de plus en plus complexes, qui nécessitent des gouvernances multi-acteurs et multi-niveaux, les entreprises recrutent sur des missions d’ingénierie de projet. 

Timothée Duverger ESS et communautés - Wudo

L’entreprise doit ainsi basculer non seulement d’une logique d’action individuelle à une logique d’action collective, caractéristique du passage de la RSE à la RTE. Elle doit aussi passer d’une logique d’offre (la simple prise en compte de ses externalités) à une logique de demande (la réponse aux besoins sociaux). Cela se retrouve par exemple dans des expérimentations emblématiques comme les Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) ou les Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD).

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